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A L’ATTENTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT

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Confusion et contradictionsautour du processus de révision du Code minier

  1. Introduction

En date du 4 février 2016, le Comité de Coordination des travaux de la société civile sur le processus de la révision du Code minier vous a adressé une lettre officielle dans laquelle il vous demandait respectivement de rouvrir la tripartite pour permettre aux trois parties prenantes (Gouvernement, Compagnies minières et Société civile) de clôturer officiellement les travaux de révision du code minier ainsi que la retransmission au parlement du projet de loi portant modification du code minier de 2002. Cette lettre est restée sans réponse jusqu’à ce jour.

Les Organisations de la société civile œuvrant dans le secteur des ressources naturelles en RDC prennent de nouveau l’initiative de vous adresser le présent mémorandum, afin d’inviter le Gouvernement à fixer l’opinionsur le processus de la révision du code minier. Elles s’inquiètent au sujet des déclarations contradictoires des membres du gouvernement. Outre qu’ellescontribuent à semer la confusion sur les intentions réelles du Gouvernement, nous craignons que ces déclarations ne cachent en réalité une option politique déjà levée d’abandonner le processus de la révision du Code minier sous la pression des entreprises minières. Une telle option serait regrettable et rendrait nul le laborieux consensus national obtenu au cours de trois ans d’élaboration transparente et participative du projet du nouveau Code minier.

  1. Constat et rappel des faits

En effet, Excellence Monsieur le Premier Ministre, vous êtes sans ignorer que le processus de révision du Code minier résulte de la volonté politique du Chef de l’Etat à travers l’annonce faite en décembre 2011 dans son discours d’investiture.Cette volonté politique a été suivie par plusieurs activités organisées tant par le gouvernement, les entreprises minières que par les organisations de la société civile œuvrant dans le secteur des ressources naturelles pour la réussite de ce processus. La Banque mondiale s’était aussi investie par le financement du processus à travers PROMINES.

Les organisations de la société civile s’interrogent sur la confusion résultant des déclarationscontradictoires faites respectivement par :

  • le Ministre des Mines,le 10 février 2016 à Indaba (RSA) annonçant l’abandon du processus de révision du Code minier par le Gouvernement congolais, suivi dela rectification par lui-même et par son Directeur de cabinet.
  • le Ministre de l’Economie, à la sortie de la Troïka stratégique du 15 février 2016, prenant acte des premiers propos de son collègue des Mines, confirmant ainsi l’abandon du processus de la révision du code minier.

Cette ambigüité réjouit certains opérateursminiersopposés à toute révision du code minier.

La confusionactuelle a été précédée par le retrait par le Gouvernement du projet de loi portant modification du code minier au cours de la session parlementaire de mars 2015,lequel n’a été suivi d’aucune séance de concertation entre parties prenantes.

Excellence, Monsieur le Premier Ministre,

Les raisons avancées pour justifier l’abandon du processus sont notamment liées à la fluctuation des cours des métaux au niveau international, ce que la société civile juge sans fondement.

Les organisations signatairesont examiné le contexte actuel du processus, les raisons du lancement de ce processus par le Gouvernement en 2012, les acquis des travaux tripartites ainsi que le contexte international actuel de la chute des cours des métaux.

Il est bien entendu que le secteur minier est l’un des grands piliers de l’économie nationale, mais ce secteur profite encore moins au pays et au peuple congolais. Le code minier de 2002 a été élaboré sous l’impulsion de la Banque Mondiale avec très peu de participation de l’expertise nationale. La société civile note avec inquiétude le silence total de cette institution dans les contradictions actuelles au sein du gouvernement.

  1. Points de vue de la société civile

SUR LE PLAN ECONOMIQUE

1°) De la baisse des cours des métaux dans le marché international :

La baisse des cours des métaux est un événement passager et aléatoire qui ne devrait pas justifier l’arrêt de la réforme entreprise. En effet, le cours moyen du cuivre était d’environ 1588,6$US la tonne en 2002. Entre 2002 et 2012,le prix aconnu une hausse spectaculaire jusqu’à plus de 8000$US la tonne de cuivre.Depuis lors, il n’a jamais baissé en deçà de 3000$ US. Le régime fiscal n’a donc subi aucune modification jusqu’en 2012 pour refléter la fluctuation positive des cours des métaux. C’est la période au cours de laquelle la plupart des contrats miniers ont été signés. La situation n’est pas différente pour le secteur aurifère. Le constat fait, même par le FMI, est que le Code minier actuel n’a pas permis au pays de profiter de son secteur minier, mais ce sont plutôt les investisseurs qui ont obtenu des gains considérables.

La modification de la loi minière ne doit donc pas être dépendante des fluctuations des cours des métaux, sinon, cette loi sera modifiée à chaque changement de cours de métaux ; ce qui n’est pas faisable et créerait une insécurité juridique tant pour l’Etat congolais lui-même que pour les investisseurs.

2°) Des coûts opérationnels : taxes illégales, corruption et insuffisance d’approvisionnement en énergie électrique

Les entreprises incorporent dans le coût opérationnel des projets miniers différentes charges déductibles au paiement de la redevance minière qui affectent sensiblement l’importance de cette dernière. Toutes les charges légales ou non sont intégrées dans les modèles économiques des entreprises minières et ces dernières présentent ainsi un coût d’exploitation très élevé, argument soutenu pour faire échec à la réforme du code minier.

L’argument du déficit énergétique évoquéaussi par les entreprises minières n’est pas pertinent du fait qu’avec la libéralisation du secteur énergétique, chaque entreprise peut envisager de produire sa propre électricité pour son industrie.

La société civile estime que les mesures urgentes prises le 26 janvier 2016 lors de la 8e réunion extraordinaire du Conseil des Ministres pallient aux insuffisances administratives dans la gestion du secteur, mais n’enlèvent en rien l’opportunité de la démarche législative. De plus, elles ne touchent pas à la pertinence des convergences obtenues lors des rencontres tripartites sur la révision du Code minier et ne doivent pas être remises en cause.

3°) De la crainte d’une insécurité juridique

Il est à noter que toutes les modifications faites ne seront applicables que dix ans après, à l’exception de la redevance minière dont l’application est immédiate, suivant le consensus issu des travaux tripartites.

4°) La question de dualité du régime minier

La dualité du régime minier (convention et régime du code minier) crée une certaine injustice économique notamment dans le secteur aurifère. Il n’est pas acceptable que dans les mêmes conditions, certaines entreprises réalisent leurs projets en bénéficiant d’exonérations excessives sans dividendes pour les populations et pour le pays, pendant que les autres sont assujetties au paiement des taxes et impôts. Une telle question ne peut être résolue que par la loi. Faut-il attendre l’épuisement des ressources pour se réveiller et réparer cette injustice ? C’est aussi l’une des motivations de la réforme en cours.

La société civile croit avec certitude que les raisons d’ordre économique qui soutiendraient l’abandon du processus de révision du Code minier ne trouvent à ce jour des justifications convaincantes.

SUR LE PLAN POLITIQUE :

L’argument d’éviter d’avoir plusieurs fronts est aussi l’une des motivations qui justifie l’abandon du processus de révision du Code minier.

Il est vrai que le pays fait face aux échéances électorales et que plusieurs contraintes légales, financières et sécuritaires sont au-devant des préoccupations.

Cependant, à quoi servirait d’opérer uniquement des réformes sur le plan politique sans les accompagner d’une garantie économique durable ? Réviser la loi minière n’est que la prérogative ordinaire du Parlement. Ne pas le faire maintenant, c’est allonger la durée du saignement des ressources devant soutenir notre jeune démocratie. C’est aussi accélérer l’épuisement des réserves des ressources non renouvelables auxquelles les générations futures ont droit sans compensation.

CONCLUSION

Au vu de tout ce qui vient d’être relevé et considérant la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours d’investiture du 20 décembre 2011, en tenant compte aussi du fait que la révision du Code minier a été l’une des recommandations majeures des Conférences minières de Lubumbashi, en janvier 2013, et de Goma, en mars 2014, les Organisations de la société civile œuvrant dans le secteur des ressources naturelles invitent instamment Monsieur le Premier Ministre :

  1. à relancer le processus de la révision du code minier par le renvoi du projet de loi portant modification du Code minier au Parlement pour son examen et adoption au cours de la session parlementaire de mars 2016,
  2. à mettre fin à la confusion, aux contradictions et aux tergiversations qui règnent au sein de l’équipe gouvernementale sur le processus de la révision du Code minier ;
  3. à instruire le Ministre des Mines pour qu’il recueille dans les meilleurs délais les inquiétudes des entreprises minières afin de les transmettre au Parlement pour examen;
  4. à ne pas céder aux pressions des entreprises minières tendant à faire échec à la réforme du Code minier en sachant que celles-ci profitent énormément du secteur minier congolais plus que l’Etat et la population congolaise.

Pour tout contact :

Me Georges BOKONDU, Chef de Bureau SARW-RDC, 3, avenue Révolution, quartier SOCIMAT, Kinshasa/Gombe, Tél. 0817070127

Mr Henri MUHIYA, Secrétaire Exécutif de la CERN/CENCO, 59, Avenue Monts Virunga, Kinshasa-Gombe, Tél : 0810526141

Fait à Kinshasa, le 09 mars 2016.

Pour les Organisations signataires :

Organisation Représentant Contact
01 AFREWATCH Emmanuel Umpula emmanuelumpula@googlemail.com
02 APRODEPED Shamavu Emmanuel  
03 BEST Phillipe Ruvunangiza  
04 Cadre de Concertation  de l’Ituri (CdCi) Jimmy Munguriek cdcituri@gmail.com
05 Commission Episcopale pour les Ressources Naturelles CERN/CENCO Henri Muhiya hmuhiya@gmail.com
06 CNONG Félicien Mbikayi felymbikayiahoo.fr
07 GAERN Félicien Mbikayi felymbikayiahoo.fr
08 Justice Pour Tous (JPT) Raoul Kitungano raoulkitungano@gmail.com
09 Maison des Mines du Kivu Grégoire Kasadi gregoirem81@gmail.com
10 Observance Gouvernance et Paix Eric Kajemba erickajemba@yahoo.fr
11 Observatoire d’Etudes et d’appui à la Responsabilité Sociale et Environnementale (OEARSE) Freddy Kasongo oearserdc@gmail.com
12 Organisation Concertée des Ecologistes et Amis de la Nature (OCEAN) Cyrille Adebu adebucylle@yahoo.fr
13 Maniema Liberté (MALI) Paul Kasongo paulkasongo.mali@gmail.com
14 Plateforme des Organisations de la société civile du secteur Minier (POM/Katanga) Ibond Rupas ibondrps@gmail.com
15 Réseau Ressources Naturelles Joseph Bobia jb.bobia@gmail.com
16 Southern Africa Resource Watch (SARW) Georges Bokondu GeorgesMarwatch.org
17 CAFCO Rose Mutombo Cafcordc2005@yahoo.fr
18 ASADHO Jean Keba jeankeba@gmail.com
19 Coalition Publiez Ce Que Vous Payez Jean Claude Katende jckatende@yahoo.fr
20 CENADEP Dany Singoma bosskabalob@yahoo.fr
21 Ligue Congolaise de Lutte Contre la Corruption (LICOCO) ErnestreMpararo licocordc@gmail.com
22 Action Contre l’Impunité et les Droits Humains (ACIDH) Nicole Odia nodiakayembemail.com
23 Synergie pour la Gouvernance des Ressources Naturelles (SGRN) Adrien Dokisa dokisa_adrien@yahoo.fr
24 CEPECO Jacques Bakulu pjbakulu@yahoo.fr
24 Ressources Naturelles et Développement (RENAD) Nicole Bila renadrdc@gmail.com
26 CEPAS Patrick Mavinga patmavingamail.com
27 ASAPT Symphorien Pyana bwehe75@gmail.com
  Observatoire de la Société civile pour les minerais de Paix (OSCMP) Alexis Muhima alexmuhima@yahoo.fr
28 Observatoire des Ressources Naturelles de Bukavu Florence Furaha Furaha1982@gmail.com

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